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2 mai 2006 2 02 /05 /mai /2006 17:47

Les deux partis codirigent la mairie avec pragmatisme.

Par LAVAL Gilbert

Nîmes envoyé spécial

La première ligne de fracture est tout de suite visible entre le maire communiste de Nîmes et son premier adjoint socialiste: le premier boit des quarts Perrier, l'autre des jus de fruits Joker. Sinon, ce serait à s'y tromper. Le PCF Alain Clary et le PS Alain Fabre-Pujol codirigent la ville dans une bonne humeur politique parfaite. Un jour particulièrement heureux, ils ont baptisé ça la «bicéphalité». Mais le bonheur de la gauche plurielle nîmoise peut aussi susciter de petites angoisses. Ainsi leur grand voisin maire PS de Montpellier n'apprécie que moyennement. Après la reconquête de Sète par le communiste François Liberti en 1995 et la candidature du ministre communiste Jean-Claude Gayssot à Béziers, Georges Frèche peut craindre de se voir disputer un jour le leadership régional par ses amis du PCF... Mais à chaque jour suffit sa peine. En attendant, Alain Clary et Alain Fabre-Pujol sont tout à leur expérience municipale, «sans autre souci prospectif».

Il y a deux directeurs de cabinet à Nîmes, six adjoints de chaque côté, des adjoints PCF qui épaulent des chefs de service municipaux PS et vice-versa. On ne prend pas rendez-vous avec le maire sans retrouver son adjoint autour de la table. Le quart Perrier et le jus de fruit Joker se servent toujours ici à la même température. «C'est le protocole nîmois qui l'exige», résume en riant l'un des deux directeurs de cabinet. Lors d'un déjeuner avec la majorité municipale, en septembre 1999, le Premier ministre Lionel Jospin s'est félicité de ce que la ville soit devenue un véritable «laboratoire» de la majorité plurielle. Le premier adjoint socialiste, Alain Fabre-Pujol, fonctionnaire territorial de 37 ans, se dit heureux et «fier» d'en être un des petits chimistes. Pierre Blotin, ex-numéro 2 du PCF, installé dans le Gard depuis trois ans, a aussi pris pour lui cette bénédiction de Matignon. «C'est en effet Blotin qui a poussé notre fédération à trouver un accord avec le PS, explique le maire Alain Clary, un professeur d'histoire-géo de 55 ans. Nous aussi voulions bien trouver un accord avec les socialistes. Mais nous placions la barre si haut que même Bubka n'aurait pas pu la sauter...»

Vaches maigres. La gauche gardoise a donc fait sa petite révolution culturelle. Les coups qu'elle a pris sur la tête ces dernières années l'ont aidée à se remettre les idées en place. En 1989, les communistes ont commencé par perdre une mairie historique au profit de l'enfant du pays, l'UDF Jean Bousquet. En 1994, la fédération socialiste a eu à s'émanciper de son leader président du conseil général du Gard, Gilbert Baumet, aux prises avec la justice. Le nouveau premier secrétaire fédéral PS, Alain Fabre-Pujol, et son homologue PCF, Alain Clary, ont alors décidé de partager les vaches maigres.

Quand ils s'affrontent aujourd'hui sur la réinstallation des grandes surfaces en ville ou sur la gestion du conflit des chauffeurs d'autobus, ils savent l'un et l'autre que «l'intelligence du compromis» devra finir par l'emporter.

Droit à l'erreur. «Nous ne sommes pas des frères siamois, sourit Clary. Nous sommes rarement tout de suite d'accord sur le même sujet. Mais je concède un droit à l'erreur à l'autre Alain. Et je pars du principe que je ne suis moi-même pas doué d'une infaillibilité papale.» «Et à ce jeu de la confiance réciproque, conclut aussitôt le premier adjoint, nos deux partis jouent gagnants.»

En 1995, l'extrême division de la droite avait donné la mairie à la gauche, avec seulement 35 % des voix. Il y avait l'UDF sortant Jean Bousquet en face d'elle au second tour. Mais aussi le RPR Camille Lapierre et un candidat lepéniste. La droite, cette fois, a fait l'union. Mais communistes et socialistes ne paraissent toutefois pas trop inquiets aujourd'hui de la concurrence du candidat de l'opposition unie, le conseiller régional RPR Jean-Paul Fournier.

Celui-ci dit vraiment croire à ses chances «de reprendre cette ville» dans un «duel idéal droite gauche». Alain Madelin était lui-même venu à Nîmes saluer à la fin 1999 le «bon exemple nîmois de la réconciliation». UDF, RPR, DL et lapierristes venaient en effet d'admettre qu'un sondage trancherait lequel de ces partis devrait être tête de liste pour mener la bataille municipale. «Cela s'est fait sans tomber dans le petit jeu des appareils politiques, le petit jeu du "passe-moi le sel, je te passerai le poivre"», se félicitait alors le patron de DL. C'est effectivement comme ça que cela s'est passé. A quelques détails près, tout de même. Pour consoler l'UDF Yvan Lachaud d'être passé derrière le RPR, il a fallu lui promettre que le mouvement gaulliste le soutiendrait aux législatives dans la première circonscription de la ville, aujourd'hui détenue par Alain Clary. Pour réconforter Camille Lapierre de n'être pas de la partie cette fois, il a fallu enrôler son épouse comme 4e de liste. Le DL Franck Proust n'est peut-être pas tout à fait d'accord avec ce partage du gâteau? «Il y aura bien une vice-présidence du conseil général assez grande pour lui» si les affaires électorales de la droite prospèrent, explique généreusement Jean-Paul Fournier.

Boulodrome. Pour l'heure, la liste «Faire revivre Nîmes» reproche son «immobilisme» à l'équipe sortante. Laquelle explique avoir employé ses efforts à faire baisser de 157 millions de francs la dette de 2107 millions de francs creusée par Jean Bousquet. C'est le directeur de campagne de Jean-Paul Fournier qui défend l'ancien maire: «Ces emprunts ont laissé des traces visibles en ville, comme la médiathèque ou le stade des Costières. Les sortants ont tout juste aménagé un boulodrome et embauché des fonctionnaires...»

Nîmes, 140 000 habitants, restera-t-elle «la dernière grande ville communiste d'Europe» dont parlait récemment Alain Madelin? Alain Clary s'autorise un sourire de connaisseur: lui est professeur de géographie.

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