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22 décembre 2013 7 22 /12 /décembre /2013 09:45

cécile duflot nimesCécile Duflot a participé au colloque « terres nourricières, réserves d’emplois – Des terres agricoles pour qui ? Pour quoi faire ? » organisé par Brigitte Allain et Catherine Grèze à l’Assemblée nationale. Dans l'état de notre réflexion à Nîmes pour un nouveau projet municipal assurant la transition énergétique de la cité le texte de l'intervention de notre Ministre éclaire notre démarche.

 

Le hasard des choses a fait qu’en arrivant, j'ai croisé Pierre Rabhi qui partait, grande source d’inspiration pour beaucoup d’entre nous. Cette rencontre, quelques heures après l’adoption par la commission des affaires économiques de la loi ALUR de l’assemblée à quelques encablures de là, donne tout son sens à nos actions, chacun à notre niveau, tels des colibris, prenant chacun leur part dans la transition écologique de nos territoires.

J’ai acquis la conviction, en tant que ministre responsable de l’urbanisme, qu’engager cette transition passe par une réforme profonde des règles qui encadrent l’urbanisme dans notre pays. Si tout le monde s’accorde aujourd’hui autour du constat, force est de constater que les résistances se font nombreuses lorsqu’il s’agit de modifier les règles, de sortir de la facilité de l’étalement urbain, de créer le cadre juridique d’une ville plus dense et moins consommatrice d’espaces. Les terres agricoles et naturelles, qui perdent tous les dix ans une surface équivalente à un département, ne doivent plus constituer une variable d’ajustement de l’urbanisation. La loi Alur, qui fait couler beaucoup d'encre, comprend 87 articles, donc bien d'autres sujets que l'encadrement des loyers et la GUL, et à l'occasion de son adoption en commission et de ce colloque, je voulais faire le point sur les parties qui concernent la transition écologique des territoires.

Vous penserez peut-être en me lisant que je suis devenue une affreuse technocrate de l’urbanisme. Il est vrai que je parle beaucoup de COS, reclassement de zone 2AU, EPF et d’ingénierie foncière ces derniers temps mais c'est parce que les outils utiles sont cela et que je suis néanmoins convaincue que cette réforme est possible et qu’il convient de la faire sans opposer les zones rurales et urbaines. A ce stade de l’examen du projet de loi ALUR, je suis heureuse de vous annoncer que figurent toujours dans la loi les mesures les plus importantes pour mener cette réforme, malgré plusieurs tentatives d’assouplissement menées par certains partisans du statut quo (j'en profite pour remercier Michèle Bonneton, pilier de la commission des affaires économiques sur ces questions ;). Ainsi, dès l’adoption de la loi, plusieurs grandes mesures feront évoluer notre droit de l’urbanisme, afin de :

- Favoriser le reclassement en zones naturelles des anciennes zones à urbaniser

Le plan local d’urbanisme (PLU) d’une commune prévoit une définition du territoire en quatre grands types de zonage selon la destination retenue pour chaque espace : les zones urbaines (zones U) : déjà urbanisées et où les équipements publics ont une capacité suffisante pour desservir de nouvelles constructions ; les zones à urbaniser (zones AU) : destinées à être ouvertes à l’urbanisation, qui se subdivisent en zones dites 1AU, constructibles et proches de réseaux (voirie, eau, assainissement, électricité) et en zones 2AU qui, à l’inverse, ne sont pas encore constructibles et distantes de ces réseaux ; et enfin les zones agricoles (zones A) : à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles et zones naturelles (zones N) : à protéger en raison de la qualité des sites, de l’existence d’une exploitation forestière ou de leur caractère d’espace naturel.

On observe aujourd’hui dans les PLU un surdimensionnement des zones ouvertes à l’urbanisation, sans que cela corresponde à l’usage des terrains ni à la réalité des projets d’aménagement envisagés. Ainsi, bien souvent, sont classées 2AU des zones destinées à constituer une réserve foncière purement « théorique ». En outre, les zones 1AU sont trop souvent privilégiées pour l’accroissement d’une commune ou d’un quartier, au détriment d’une optimisation du tissu déjà urbanisé (zones U).

Afin de veiller au juste dimensionnement des ouvertures à l’urbanisation, le projet de loi prévoit

que les zones classées 2AU il y a plus de 9 ans et qui ne font l’objet d’aucun projet d’aménagement seront reclassées en zones naturelles. Si une collectivité prévoit de modifier son PLU pour faire passer une zone 2AU en zone 1AU, il faudra que ce soit sur la base d’une délibération motivée, démontrant que cette ouverture à l’urbanisation est rendue nécessaire par un tissu urbain (zones U) qui n’offre pas d’autres possibilités pour la construction.

- Lutter contre le mitage en protégeant les espaces agricoles et naturels

Les terres autrefois dévolues à l’agriculture sont aujourd’hui grignotées par des constructions implantées dans des zones rurales ou en périphérie des agglomérations. Ce mitage s’avère coûteux en termes d’équipements, de services publics et de réseaux. Il est en outre consommateur de terres cultivables et préjudiciable à la qualité des paysages. Pour lutter contre cette pratique, certains principes limitant la constructibilité seront renforcés.

Dans les communes non couvertes par un document d’urbanisme, la possibilité de recourir à une délibération motivée du conseil municipal sera supprimée, afin de limiter le nombre d’exceptions à la règle d’inconstructibilité. En revanche, les dérogations déjà prévues par le code de l’urbanisme seront maintenues (constructions nécessaires à l’exploitation agricole ou à des équipements collectifs, constructions incompatibles avec le voisinage des zones habitées…).

Pour les communes couvertes par un PLU, le projet de loi prévoit de rendre exceptionnelle la possibilité d’utiliser le « pastillage », qui permet de délimiter, en zone agricole et naturelle, des

secteurs de taille et de capacité limitées. Pour renforcer la maîtrise de l’urbanisation sur ces

territoires, ces « pastilles » seront désormais délimitées avec l’accord du préfet et après avis de

la commission départementale de la consommation des espaces agricoles.

- Lutter contre l’étalement urbain

Le projet de loi ALUR va permettre de doter l’ensemble des territoires, autant que nécessaire, d’établissements publics fonciers (EPF) d’État et/ou locaux afin de favoriser :

- l’égalité et la solidarité des territoires, par la mise à disposition d’une ingénierie performante et la mobilisation d’une ressource fiscale mutualisée et dédiée ;

- l’impartialité dans le traitement des territoires, l’intervention des EPF étant réalisée dans le cadre de leur programme pluriannuel, qui assure la cohérence entre les orientations stratégiques ministérielles, les politiques régionales et les spécificités des territoires.

La loi définira pour les EPF locaux des missions et objectifs similaires à ceux des EPF d’État, afin d’inscrire leur action au service de la production de logements, de la lutte contre l’étalement urbain et de la promotion du développement durable.

La présence de ces établissements permettra d’apporter à l’ensemble des collectivités les compétences et l’expertise technique et financière nécessaires à la mise en œuvre d’une politique foncière efficace.

- Supprimer les Pos

Pour lutter contre l’étalement urbain et améliorer la meilleure prise en compte du volet environnemental dans les politiques locales d’aménagement et de planification, le projet de loi propose notamment de mettre fin aux plans d’occupation des sols (Pos) pour encourager les collectivités à se doter d’un plan local d’urbanisme (PLU).

Les Pos, n’ayant fait l'objet d'aucune évolution depuis de nombreuses années et n’étant pas en révision, font souvent obstacle à la mise en œuvre de politiques nationales notamment en matière d’environnement ou de logement. Or, on trouve notamment des Pos dans des régions où les enjeux environnementaux et les tensions sur le marché du logement sont importants, en particulier l’Île-de-France et Provence-Alpes-Côte d’Azur.

Le projet de loi précise aussi qu’en l’absence de transformation en PLU au 31 décembre 2014, le Pos devient caduc et le territoire qu’il couvre se voit appliquer le règlement national d’urbanisme (RNU).

- Maîtriser l’aménagement commercial

Le développement de surfaces commerciales, notamment en périphérie des villes, est très consommateur d’espaces qui pourraient être destinés à d’autres fonctions, notamment l’habitat. Plus de 3 millions de mètres carrés de surface de vente sont autorisés chaque année, alors que les friches commerciales se multiplient du fait de l’obsolescence des implantations.

Pour mettre un coup d’arrêt au développement de friches commerciales, le projet de loi crée, pour les porteurs de projets d’équipements commerciaux, une obligation d’organiser la remise en état du terrain ou de traiter une friche.

Pour limiter la consommation d’espaces et l’imperméabilisation des sols, la superficie des parcs de stationnement des équipements commerciaux sera limitée.

Depuis trois ans, les « drive », ces points de retrait permettant au client de venir retirer ses achats sans sortir de son automobile, connaissent une véritable explosion : entre janvier 2012 et février 2013, il s’est ouvert l’équivalent de 5 « drive » par jour, tandis que 87 ouvertures étaient annoncées rien que sur le mois de janvier 2013. Ce phénomène a entraîné l’implantation désordonnée d’entrepôts, loin de toute considération d’aménagement du territoire ou de développement durable.

Afin de proscrire le mitage du territoire, le projet de loi va soumettre à autorisation d’exploitation commerciale la localisation de ces « drive » afin qu’ils soient implantés au sein des zones urbanisées, dans les zones commerciales existantes, à proximité des lieux de vie et d’activités habituellement fréquentés par les consommateurs. A également été adopté en commission des dispositions qui visent à "accrocher" l'urbanisme commercial (dont une reforme est prévue dans le cadre de la loi commerce) au code de l'urbanisme et non plus au seul code du commerce.

Voilà, j'espère que vous me pardonnerez ce message un peu technique mais je sais qu'il y a des passionnés (à raison) du sujet et je suis heureuse de pouvoir faire ce point d'étape.

J'en profite pour celles et ceux qui ne connaissent pas l'histoire du colibri pour les inviter à la regarder raconté par notre chère Wangari Maathai http://www.youtube.com/watch?v=IGMW6YWjMxw&feature=youtube_gdata_player (c'est en anglais mais il y a un dessin animé)


Très bonnes fêtes à tous,

Paix, amour et fraternité,

Cécile Duflot

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